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consuelo.

même pièce que le père et le gendre, elle y serait plus en sûreté que partout ailleurs ; et ayant souhaité le bonsoir à Joseph, elle se glissa derrière les quatre rideaux de laine brune qui enfermaient le lit désigné, où, prenant à peine le temps de se déshabiller, elle s’endormit profondément.

LXVIII.

Cependant, après les premières heures de ce sommeil accablant, elle fut réveillée par le bruit continuel qui se faisait autour d’elle. D’un côté, la vieille grand-mère, dont le lit touchait presque au sien, toussait et râlait sur le ton le plus aigu et le plus déchirant ; de l’autre, une jeune femme allaitait son petit enfant et chantait pour le rendormir ; les ronflements des hommes ressemblaient à des rugissements ; un autre enfant, quatrième dans un lit, pleurait en se querellant avec ses frères ; les femmes se relevaient pour les mettre d’accord, et faisaient plus de bruit encore par leurs réprimandes et leurs menaces. Ce mouvement perpétuel, ces cris d’enfants, la malpropreté, la mauvaise odeur et la chaleur de l’atmosphère chargée de miasmes épais, devinrent si désagréables à Consuelo, qu’elle n’y put tenir longtemps. Elle se rhabilla sans bruit, et, profitant d’un moment où tout le monde était endormi, elle sortit de la maison, et chercha un coin pour dormir jusqu’au jour.

Elle se flattait de dormir mieux en plein air. Ayant passé la nuit précédente à marcher, elle ne s’était pas aperçue du froid ; mais, outre qu’elle était dans une disposition d’accablement bien différente de l’excitation de son départ, le climat de cette région élevée se manifestait déjà plus âpre qu’aux environs de Riesenburg. Elle sentit le frisson la saisir, et un horrible malaise lui fît