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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/297

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consuelo.

craindre de ne pouvoir supporter une suite de journées de marche et de nuits sans repos, dont le début s’annonçait si désagréablement. C’est en vain qu’elle se reprocha d’être devenue princesse dans les douceurs de la vie de château : elle eût donné le reste de ses jours en cet instant pour une heure de bon sommeil.

Cependant, n’osant rentrer dans la maison de peur d’éveiller et d’indisposer ses hôtes, elle chercha la porte des granges ; et, trouvant l’étable ouverte à demi, elle y pénétra à tâtons. Un profond silence y régnait. Jugeant cet endroit désert, elle s’étendit sur une crèche remplie de paille dont la chaleur et l’odeur saine lui parurent délicieuses.

Elle commençait à s’endormir, lorsqu’elle sentit sur son front une haleine chaude et humide, qui se retira avec un souffle violent et une sorte d’imprécation étouffée. La première frayeur passée, elle aperçut, dans le crépuscule qui commençait à poindre, une longue figure et deux formidables cornes au-dessus de sa tête : c’était une belle vache qui avait passé le cou au râtelier, et qui, après l’avoir flairée avec étonnement, se retirait avec épouvante. Consuelo se tapit dans le coin, de manière à ne pas la contrarier, et dormit fort tranquillement. Son oreille fut bientôt habituée à tous les bruits de l’étable, au cri des chaînes dans leurs anneaux, au mugissement des génisses et au frottement des cornes contre les barres de la crèche. Elle ne s’éveilla même pas lorsque les laitières entrèrent pour faire sortir leurs bêtes et les traire en plein air. L’étable se trouva vide ; l’endroit sombre où Consuelo s’était retirée avait empêché qu’on ne la découvrit ; et le soleil était levé lorsqu’elle ouvrit de nouveau les yeux. Enfoncée dans la paille, elle goûta encore quelques instants le bien-être de sa situation, et se réjouit de se sentir rafraîchie et reposée, prête à