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consuelo.

grand et de respectable dans son caractère, lui apparut sous un jour plus brillant, lorsqu’elle ne sentit plus en elle la crainte de prendre trop précipitamment une résolution absolue. Sa fierté ne souffrait plus de l’idée qu’on pouvait l’accuser d’ambition, car elle fuyait, elle renonçait en quelque sorte aux avantages matériels attachés à cette union ; elle pouvait donc, sans contrainte et sans honte, se livrer à l’affection dominante de son âme. Le nom d’Anzoleto ne vint pas une seule fois sur ses lèvres, et elle s’aperçut encore avec plaisir qu’elle n’avait pas même songé à faire mention de lui dans le récit de son séjour en Bohême.

Ces épanchements, tout déplacés et téméraires qu’ils pussent être, amenèrent les meilleurs résultats. Ils firent comprendre à Joseph combien l’âme de Consuelo était sérieusement occupée ; et les espérances vagues qu’il pouvait avoir involontairement conçues s’évanouirent comme des songes, dont il s’efforça même de dissiper le souvenir. Après une ou deux heures de silence qui succédèrent à cet entretien animé, il prit la ferme résolution de ne plus voir en elle ni une belle sirène, ni un dangereux et problématique camarade, mais une grande artiste et une noble femme, dont les conseils et l’amitié étendraient sur toute sa vie une heureuse influence.

Autant pour répondre à sa confiance que pour mettre à ses propres désirs une double barrière, il lui ouvrit son âme, et lui raconta comme quoi, lui aussi, était engagé, et pour ainsi dire fiancé. Son roman de cœur était moins poétique que celui de Consuelo ; mais pour qui sait l’issue de ce roman dans la vie de Haydn, il n’était pas moins pur et moins noble. Il avait témoigné de l’amitié à la fille de son généreux hôte, le perruquier Keller, et celui-ci, voyant cette innocente liaison, lui avait dit :