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consuelo.

du Bœhmer-Wald avec Consuelo, l’amour tremblant et la pieuse innocence pour compagnons de voyage.

Une fois, pourtant, la vertu du jeune musicien se trouva à une rude épreuve. Lorsque le temps était beau, les chemins faciles, et la lune brillante, ils adoptaient la vraie et bonne manière de voyager pédestrement sans courir les risques des mauvais gîtes. Ils s’établissaient dans quelque lieu tranquille et abrité pour y passer la journée à causer, à dîner, à faire de la musique et à dormir. Aussitôt que la soirée devenait froide, ils achevaient de souper, pliaient bagage, et reprenaient leur course jusqu’au jour. Ils échappaient ainsi à la fatigue d’une marche au soleil, aux dangers d’être examinés curieusement, à la malpropreté et à la dépense des auberges. Mais lorsque la pluie, qui devint assez fréquente dans la partie élevée du Bœhmer-Wald où la Moldaw prend sa source, les forçait de chercher un abri, ils se retiraient où ils pouvaient, tantôt dans la cabane de quelque serf, tantôt dans les hangars de quelque châtellenie. Ils fuyaient avec soin les cabarets, où ils eussent pu trouver plus facilement à se loger, dans la crainte des mauvaises rencontres, des propos grossiers, et des scènes bruyantes.

Un soir donc, pressés par l’orage, ils entrèrent dans la hutte d’un chevrier, qui, pour toute démonstration d’hospitalité, leur dit en bâillant et en étendant les bras du côté de sa bergerie :

« Allez au foin. »

Consuelo se glissa dans un coin bien sombre, comme elle avait coutume de faire, et Joseph allait s’installer à distance dans un autre coin, lorsqu’il heurta les jambes d’un homme endormi qui l’apostropha rudement. D’autres jurements répondirent à l’imprécation du dormeur, et Joseph, effrayé de cette compagnie, se rapprocha de