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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/317

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consuelo.

commencé déjà. Quel âge avez-vous ? quatorze ans, quinze ans, tout au plus ?

— Quelque chose comme cela.

— Eh bien, avant qu’il soit un an, vous chanterez comme une petite grenouille, et il n’est pas sûr que vous redeveniez un rossignol. C’est une épreuve douteuse pour un garçon que de passer de l’enfance à la jeunesse. Quelquefois on perd la voix en prenant de la barbe. À votre place, j’apprendrais à jouer du fifre ; avec cela on trouve toujours à gagner sa vie.

— Je verrai, quand j’en serai là.

— Et vous, mon brave ? dit M. Mayer en s’adressant à Joseph en allemand, ne jouez-vous que du violon ?

— Pardon, monsieur, répondit Joseph qui prenait confiance à son tour en voyant que le bon Mayer ne causait aucun embarras à Consuelo ; je joue un peu de plusieurs instruments.

— Lesquels, par exemple ?

— Le piano, la harpe, la flûte ; un peu de tout quand je trouve l’occasion d’apprendre.

— Avec tant de talents, vous avez grand tort de courir les chemins comme vous faites ; c’est un rude métier. Je vois que votre compagnon, qui est encore plus jeune et plus délicat que vous, n’en peut déjà plus, car il boite.

— Vous avez remarqué cela ? dit Joseph qui ne l’avait que trop remarqué aussi, quoique sa compagne n’eût pas voulu avouer l’enflure et la souffrance de ses pieds.

— Je l’ai très-bien vu se traîner avec peine jusqu’au bateau, reprit Mayer.

— Ah ! que voulez-vous, monsieur ! dit Haydn en dissimulant son chagrin sous un air d’indifférence philosophique : on n’est pas né pour avoir toutes ses aises, et quand il faut souffrir, on souffre !