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consuelo.

— Mais quand on pourrait vivre plus heureux et plus honnête en se fixant ! Je n’aime pas à voir des enfants intelligents et doux, comme vous me paraissez l’être, faire le métier de vagabonds. Croyez-en un bon homme qui a des enfants, lui aussi, et qui vraisemblablement ne vous reverra jamais, mes petits amis. On se tue et on se corrompt à courir les aventures. Souvenez-vous de ce que je vous dis là.

— Merci de votre bon conseil, monsieur, reprit Consuelo avec un sourire affectueux ; nous en profiterons peut-être.

— Dieu vous entende, mon petit gondolier ! dit M. Mayer à Consuelo, qui avait pris une rame, et, machinalement, par une habitude toute populaire et vénitienne, s’était mise à naviguer. »

La barque touchait au rivage, après avoir fait un biais assez considérable à cause du courant de l’eau qui était un peu rude. M. Mayer adressa un adieu amical aux jeunes artistes en leur souhaitant un bon voyage, et son compagnon silencieux les empêcha de payer leur part au batelier. Après les remerciements convenables, Consuelo et Joseph entrèrent dans un sentier qui conduisait vers les montagnes, tandis que les deux étrangers suivaient la rive aplanie du fleuve dans la même direction.

« Ce M. Mayer me paraît un brave homme, dit Consuelo en se retournant une dernière fois sur la hauteur au moment de le perdre de vue. Je suis sûre que c’est un bon père de famille.

— Il est curieux et bavard, dit Joseph, et je suis bien aise de vous voir débarrassée de ses questions.

— Il aime à causer comme toutes les personnes qui ont beaucoup voyagé. C’est un cosmopolite, à en juger par sa facilité à prononcer les divers dialectes. De quel pays peut-il être ?