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consuelo.

au retour de la chasse, n’avait eu plus d’horreur de l’eau qu’elle n’en éprouvait en cet instant.

Cependant elle fit bientôt usage de sa raison. Elle n’avait fait que monter depuis qu’elle avait quitté le précipice, au moment d’être submergée. À moins que Zdenko n’eût à son service une machine hydraulique d’une puissance et d’une étendue incompréhensible, il ne pouvait pas faire remonter vers elle son terrible auxiliaire, le torrent. Il était bien évident d’ailleurs qu’elle devait rencontrer quelque part le courant de la source, l’écluse, ou la source elle-même ; et si elle eût pu réfléchir davantage, elle se fût étonnée de n’avoir pas encore trouvé sur son chemin cette onde mystérieuse, cette source des Pleurs qui alimentait la citerne.

C’est que la source avait son courant dans les veines inconnues des montagnes, et que la galerie, coupant à angle droit, ne la rencontrait qu’aux approches de la citerne d’abord, et ensuite sous le Schreckenstein, ainsi qu’il arriva enfin à Consuelo. L’écluse était donc loin derrière elle, sur la route que Zdenko avait parcourue seul, et Consuelo approchait de cette source, que depuis des siècles aucun autre homme qu’Albert ou Zdenko n’avait vue. Elle eut bientôt rejoint le courant, et cette fois elle le côtoya sans terreur et sans danger.

Un sentier de sable frais et fin remontait le cours de cette eau limpide et transparente, qui courait avec un bruit généreux dans un lit convenablement encaissé. Là, reparaissait le travail de l’homme. Ce sentier était relevé en talus dans des terres fraîches et fertiles ; car de belles plantes aquatiques, des pariétaires énormes, des ronces sauvages fleuries dans ce lieu abrité, sans souci de la rigueur de la saison, bordaient le torrent d’une marge verdoyante. L’air extérieur pénétrait par une multitude de fentes et de crevasses suffisantes pour entretenir la