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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/33

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consuelo.

vie de la végétation, mais trop étroites pour laisser passage à l’œil curieux qui les aurait cherchées du dehors. C’était comme une serre chaude naturelle, préservée par ses voûtes du froid et des neiges, mais suffisamment aérée par mille soupiraux imperceptibles. On eût dit qu’un soin complaisant avait protégé la vie de ces belles plantes, et débarrassé le sable que le torrent rejetait sur ces rives des graviers qui offensent le pied ; et on ne se fût pas trompé dans cette supposition. C’était Zdenko qui avait rendu gracieux, faciles et sûrs les abords de la retraite d’Albert.

Consuelo commençait à ressentir l’influence bienfaisante qu’un aspect moins sinistre et déjà poétique des objets extérieurs produisait sur son imagination bouleversée par de cruelles terreurs. En voyant les pâles rayons de la lune se glisser çà et là dans les fentes des roches, et se briser sur les eaux tremblotantes, en sentant l’air de la forêt frémir par intervalles sur les plantes immobiles que l’eau n’atteignait pas, en se sentant toujours plus près de la surface de la terre, elle se sentait renaître, et l’accueil qui l’attendait au terme de son héroïque pèlerinage, se peignait dans son esprit sous des couleurs moins sombres. Enfin, elle vit le sentier se détourner brusquement de la rive, entrer dans une courte galerie maçonnée fraîchement, et finir à une petite porte qui semblait de métal, tant elle était froide, et qu’encadrait gracieusement un grand lierre terrestre.

Quand elle se vit au bout de ses fatigues et de ses irrésolutions, quand elle appuya sa main épuisée sur ce dernier obstacle, qui pouvait céder à l’instant même, car elle tenait la clef de cette porte dans son autre main, Consuelo hésita et sentit une timidité plus difficile à vaincre que toutes ses terreurs. Elle allait donc pénétrer seule dans un lieu fermé à tout regard, à toute pen-