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consuelo.

êtes à deux grands milles au moins de toute espèce d’habitation. Vous ne trouverez pas seulement un chenil le long de ces montagnes. Mais j’ai pitié de vous : montez dans ma voiture ; je puis vous y donner deux places sans me gêner. Allons, point de façons, montez !

— Monsieur, vous êtes mille fois trop bon, dit Consuelo, attendrie de l’hospitalité de ce brave homme, mais vous allez vers le nord, et nous vers l’Autriche.

— Non, je vais à l’ouest. Dans une heure au plus je vous déposerai à Biberek. Vous y passerez la nuit, et demain vous pourrez gagner l’Autriche. Cela même abrégera votre route. Allons, décidez-vous, si vous ne trouvez pas de plaisir à recevoir la pluie, et à nous retarder.

— Eh bien, courage et confiance ! » dit Consuelo tout bas à Joseph ; et ils montèrent dans la voiture.

Ils remarquèrent qu’il y avait trois personnes, deux sur le devant, dont l’une conduisait, l’autre, qui était M. Mayer, occupait la banquette de derrière. Consuelo prit un coin, et Joseph le milieu. La voiture était une chaise à six places, spacieuse et solide. Le cheval, grand et fort, fouetté par une main vigoureuse, reprit le trot et fit sonner les grelots de son collier, en secouant la tête avec impatience.

LXX.

« Quand je vous le disais ! s’écria M. Mayer, reprenant son propos où il l’avait laissé le matin : y a-t-il un métier plus rude et plus fâcheux que celui que vous faites ? Quand le soleil luit, tout semble beau ; mais le soleil ne luit pas toujours, et votre destinée est aussi variable que l’atmosphère.

— Quelle destinée n’est pas variable et incertaine ? dit Consuelo. Quand le ciel est inclément, la Providence