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sait à mesure au signor Pistola, non moins égayé que lui de la simplicité du gondolier. Oh ! vous êtes par trop madré ! répondait Mayer ; on ne se frottera plus à vous faire des niches ! Et Consuelo, qui voyait l’ironie profonde de ce faux bonhomme percer enfin sous son air jovial et paternel, continuait de son côté à jouer ce rôle du niais qui se croit malin, accessoire connu de tout mélodrame.

Il est certain que leur aventure en était un assez sérieux ; et, tout en faisant sa partie avec habileté, Consuelo sentait qu’elle avait la fièvre. Heureusement c’est dans la fièvre qu’on agit, et dans la stupeur qu’on succombe.

Elle se montra dès lors aussi gaie qu’elle avait été réservée jusque-là ; et Joseph, qui avait repris toutes ses facultés, la seconda fort bien. Tout en paraissant ne pas douter qu’ils approchassent de Passaw, ils feignirent d’ouvrir l’oreille aux propositions d’aller à Dresde, sur lesquelles M. Mayer ne manqua pas de revenir. Par ce moyen, ils gagnèrent toute sa confiance, et le mirent à même de trouver quelque expédient pour leur avouer honnêtement qu’il les y menait sans leur permission. L’expédient fut bientôt trouvé. M. Mayer n’était pas novice dans ces sortes d’enlèvements. Il y eut un dialogue animé en langue étrangère entre ces trois individus, M. Mayer, le signor Pistola, et le silencieux. Et puis tout à coup ils se mirent à parler allemand, et comme s’ils continuaient le même sujet :

« Je vous le disais bien ; s’écria M. Mayer, nous avons fait fausse route ; à preuve que leur voiture ne reparaît pas. Il y a plus de deux heures que nous les avons laissés derrière nous, et j’ai eu beau regarder à la montée, je n’ai rien aperçu.

— Je ne la vois pas du tout ! dit le conducteur en sor-