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consuelo.

depuis hier soir, et il a marché toute la nuit. Nous ne serons fâchés, ni les uns ni les autres, de nous restaurer aussi. Voici un petit bois. Nous avons encore quelques provisions, halte ! »

On entra dans le bois, le cheval fut dételé. Joseph et Consuelo offrirent leurs services avec empressement ; on les accepta sans méfiance. On pencha la chaise sur ses brancards ; et, dans ce mouvement, la position du prisonnier invisible devenant sans doute plus douloureuse, Consuelo l’entendit encore gémir ; Mayer l’entendit aussi, et regarda fixement Consuelo pour voir si elle s’en était aperçue. Mais, malgré la pitié qui déchirait son cœur, elle sut paraître sourde et impassible. Mayer fit le tour de la voiture, Consuelo, qui s’était éloignée, le vit ouvrir à l’extérieur une petite porte de derrière, jeter un coup d’œil dans l’intérieur de la double caisse, la refermer, et remettre la clef dans sa poche.

« La marchandise est-elle avariée ? cria le silencieux à M. Mayer.

— Tout est bien, répondit-il avec une indifférence brutale, et il fit tout disposer pour le déjeuner.

— Maintenant, dit Consuelo rapidement à Joseph en passant auprès de lui, fais comme moi et suis tous mes pas. »

Elle aida à étendre les provisions sur l’herbe, et à déboucher les bouteilles. Joseph l’imita en affectant beaucoup de gaieté ; M. Mayer vit avec plaisir ces serviteurs volontaires se dévouer à son bien-être. Il aimait ses aises, et se mit à boire et à manger ainsi que ses compagnons avec des manières plus gloutonnes et plus grossières qu’il n’en avait montré la veille. Il tendait à chaque instant son verre à ses deux nouveaux pages, qui, à chaque instant, se levaient, se rasseyaient, et repartaient pour courir, de côté et d’autre, épiant le