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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/349

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consuelo.

tapi dans le bois. Il les laissa passer, et leur tira par derrière deux coups de pistolet, dont l’un perça le chapeau du baron, et l’autre blessa le cheval du domestique assez légèrement. Le baron tourna bride, l’aperçut, et, courant sur lui, l’étendit par terre d’un coup de pistolet. Puis il le laissa se rouler dans les épines en jurant, et suivit Joseph qui arriva à la voiture de M. Mayer presque en même temps que celle du comte. Ce dernier avait déjà sauté à terre. Mayer et le Silencieux avaient disparu avec le cheval sans perdre le temps à cacher la chaise. Le premier soin des vainqueurs fut de forcer la serrure de la caisse où était renfermé le prisonnier. Consuelo aida avec transport à couper les cordes et le bâillon de ce malheureux, qui ne se vit pas plus tôt délivré qu’il se jeta à terre prosterné devant ses libérateurs, et remerciant Dieu. Mais, dès qu’il eut regardé le baron, il se crut retombé de Charybde en Scylla.

« Ah ! monsieur le baron de Trenk ! s’écria-t-il, ne me perdez pas, ne me livrez pas. Grâce, grâce pour un pauvre déserteur, père de famille ! Je ne suis pas plus prussien que vous, monsieur le baron ; je suis sujet autrichien comme vous, et je vous supplie de ne pas me faire arrêter. Oh ! faites-moi grâce !

— Faites-lui grâce, monsieur le baron de Trenk ! s’écria Consuelo sans savoir à qui elle parlait, ni de quoi il s’agissait.

— Je te fais grâce, répondit le baron ; mais à condition que tu vas t’engager par les plus épouvantables serments à ne jamais dire de qui tu tiens la vie et la liberté. »

Et en parlant ainsi, le baron, tirant un mouchoir de sa poche, s’enveloppa soigneusement la figure, dont il ne laissa passer qu’un œil.

« Êtes-vous blessé ? dit le comte.

— Non, répondit-il en rabattant son chapeau sur son