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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/350

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consuelo.

visage ; mais si nous rencontrons ces prétendus brigands, je ne me soucie pas d’être reconnu. Je ne suis déjà pas très-bien dans les papiers de mon gracieux souverain : il ne me manquerait plus que cela !

— Je comprends ce dont il s’agit, reprit le comte ; mais soyez sans crainte, je prends tout sur moi.

— Cela peut sauver ce déserteur des verges et de la potence, mais non pas moi d’une disgrâce. N’importe ! on ne sait pas ce qui peut arriver ; il faut obliger ses semblables à tout risque. Voyons, malheureux ! peux-tu tenir sur tes jambes ! Pas trop, à ce que je vois. Tu es blessé ?

— J’ai reçu beaucoup de coups, il est vrai, mais je ne les sens plus.

— Enfin, peux-tu déguerpir ?

— Oh ! oui, monsieur l’aide de camp.

— Ne m’appelle pas ainsi, drôle, tais-toi ; va-t’en ! Et nous, cher comte, faisons de même : il me tarde d’avoir quitté ce bois. J’ai abattu un des recruteurs ; si le roi le savait, mon affaire serait bonne !… quoique après tout, je m’en moque ! ajouta-t-il en levant les épaules.

— Hélas, dit Consuelo, tandis que Joseph passait sa gourde au déserteur, si on l’abandonne ici, il sera bientôt repris. Il a les pieds enflés par les cordes, et peut à peine se servir de ses mains. Voyez, comme il est pâle et défait !

— Nous ne l’abandonnerons pas, dit le comte qui avait les yeux attachés sur Consuelo. Franz, descendez de cheval, dit-il à son domestique ; et, s’adressant au déserteur : — Monte sur cette bête, je te la donne, et ceci encore, ajouta-t-il en lui jetant sa bourse. As-tu la force de gagner l’Autriche ?

— Oui, oui, monseigneur !

— Veux-tu aller à Vienne ?