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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/356

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consuelo.

jeux et aux ris, et de faire votre partie dans des concerts qui valent bien ceux du grand Frédéric ! Êtes-vous tenté ? Ne me prenez-vous pas pour un Mayer ?

— Et quelle est donc cette altesse si gracieuse et si magnifique ? demanda Consuelo en souriant.

— C’est la margrave douairière de Bareith, princesse de Culmbach, mon illustre épouse, répondit le comte Hoditz ; c’est maintenant la châtelaine de Roswald en Moravie. »

Consuelo avait cent fois entendu raconter à la chanoinesse Wenceslawa de Rudolstadt la généalogie, les alliances et l’histoire anecdotique de toutes les principautés et aristocraties grandes et petites de l’Allemagne et des pays circonvoisins ; plusieurs de ces biographies l’avaient frappée, et entre autres celle du comte Hoditz-Roswald, seigneur morave très-riche, chassé et abandonné par un père irrité de ses déportements, aventurier très-répandu dans toutes les cours de l’Europe ; enfin, grand-écuyer et amant de la margrave douairière de Bareith, qu’il avait épousée en secret, enlevée et conduite à Vienne, de là en Moravie, où, ayant hérité de son père, il l’avait mise récemment à la tête d’une brillante fortune. La chanoinesse était revenue souvent sur cette histoire, qu’elle trouvait fort scandaleuse parce que la margrave était princesse suzeraine, et le comte simple gentilhomme ; et c’était pour elle un sujet de se déchaîner contre les mésalliances et les mariages d’amour. De son côté, Consuelo, qui cherchait à comprendre et à bien connaître les préjugés de la caste nobiliaire, faisait son profit de ces révélations et ne les oubliait pas. La première fois que le comte Hoditz s’était nommé devant elle, elle avait été frappée d’une vague réminiscence, et maintenant elle avait présentes toutes les circonstances de la vie et du mariage romanesque de cet aventurier