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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/359

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consuelo.

Mais soyez tranquille, monsieur le baron, dites toujours ; vous avez fait une belle action en rendant la liberté à notre pauvre déserteur. J’aimerais mieux subir les supplices qui lui étaient destinés, que de dire une parole qui pût vous nuire. »

Trenk, dont le fougueux caractère ne comportait pas la prudence, et qui était déjà aigri par les rigueurs et les injustices incompréhensibles de Frédéric à son égard, trouvait un amer plaisir à dévoiler devant le comte Hoditz les forfaits de ce régime dont il avait été témoin et complice, dans un temps de prospérité où ses réflexions n’avaient pas toujours été aussi équitables et aussi sévères. Maintenant persécuté secrètement, quoique en apparence il dût à la confiance du roi de remplir une mission diplomatique importante auprès de Marie-Thérèse, il commençait à détester son maître, et à laisser paraître ses sentiments avec trop d’abandon. Il rapporta au comte les souffrances, l’esclavage et le désespoir de cette nombreuse milice prussienne, précieuse à la guerre, mais si dangereuse durant la paix, qu’on en était venu, pour la réduire, à un système de terreur et de barbarie sans exemple. Il raconta l’épidémie de suicide qui s’était répandue dans l’armée, et les crimes que commettaient des soldats, honnêtes et dévots d’ailleurs, dans le seul but de se faire condamner à mort pour échapper à l’horreur de la vie qu’on leur avait faite.

« Croiriez-vous, dit-il, que les rangs surveillés sont ceux qu’on recherche avec le plus d’ardeur ? Il faut que vous sachiez que ces rangs surveillés sont composés de recrues étrangères, d’hommes enlevés, ou de jeunes gens de la nation prussienne, lesquels, au début d’une carrière militaire qui ne doit finir qu’avec la vie, sont généralement en proie, durant les premières années, au plus horrible découragement. On les divise par rangs, et on