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consuelo.

après tant de dangers et de terreurs, lui fut presque aussi doux que l’eût été en d’autres temps celui de Venise ; et lorsqu’elle traversa le Danube, elle ne put se retenir de donner une poignée de main à Joseph.

« Est-il votre frère ? lui demanda le comte, qui n’avait pas encore songé à lui faire cette question.

— Oui, monseigneur, répondit au hasard Consuelo, pour se débarrasser de sa curiosité.

— Vous ne vous ressemblez pourtant pas, dit le comte.

— Il y a tant d’enfants qui ne ressemblent pas à leur père ! répondit gaiement Joseph.

— Vous n’avez pas été élevés ensemble ?

— Non, monseigneur. Dans notre condition errante, on est élevé où l’on peut et comme l’on peut.

— Je ne sais pourquoi je m’imagine pourtant, dit le comte à Consuelo, en baissant la voix, que vous êtes bien né. Tout dans votre personne et votre langage annonce une distinction naturelle.

— Je ne sais pas du tout comment je suis né, monseigneur, répondit-elle en riant. Je dois être né musicien de père en fils ; car je n’aime au monde que la musique.

— Pourquoi êtes-vous habillé en paysan de Moravie ?

— Parce que, mes habits s’étant usés en voyage, j’ai acheté dans une foire de ce pays-là ceux que vous voyez.

— Vous avez donc été en Moravie ? à Roswald, peut-être ?

— Aux environs, oui, monseigneur, répondit Consuelo avec malice, j’ai aperçu de loin, et sans oser m’en approcher, votre superbe domaine, vos statues, vos cascades, vos jardins, vos montagnes, que sais-je ? des merveilles, un palais de fées !

— Vous avez vu tout cela ! s’écria le comte émerveillé de ne l’avoir pas su plus tôt, et ne s’apercevant pas que