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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/367

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consuelo.

Consuelo, lui ayant entendu décrire pendant deux heures les délices de sa résidence, pouvait bien en faire la description après lui, en sûreté de conscience. Oh ! cela doit vous donner envie d’y revenir ! dit-il.

— J’en grille d’envie à présent que j’ai le bonheur de vous connaître, répondit Consuelo, qui avait besoin de se venger de la lecture de son opéra en se moquant de lui. »

Elle sauta légèrement de la barque sur laquelle on avait traversé le fleuve, en s’écriant avec un accent germanique renforcé :

« Ô Passaw ! je te salue ! »

La berline les conduisit à la demeure d’un riche seigneur, ami du comte, absent pour le moment, mais dont la maison leur était destinée pour pied-à-terre. On les attendait, les serviteurs étaient en mouvement pour le souper, qui leur fut servi promptement. Le comte, qui prenait un plaisir extrême à la conversation de son petit musicien (c’est ainsi qu’il appelait Consuelo), eût souhaité l’emmener à sa table ; mais la crainte de faire une inconvenance qui déplût au baron l’en empêcha. Consuelo et Joseph se trouvèrent fort contents de manger à l’office, et ne firent nulle difficulté de s’asseoir avec les valets. Haydn n’avait encore jamais été traité plus honorablement chez les grands seigneurs qui l’avaient admis à leurs fêtes ; et, quoique le sentiment de l’art lui eût assez élevé le cœur pour qu’il comprît l’outrage attaché à cette manière d’agir, il se rappelait sans fausse honte que sa mère avait été cuisinière du comte Harrach, seigneur de son village. Plus tard, et parvenu au développement de son génie, Haydn ne devait pas être mieux apprécié comme homme par ses protecteurs, quoiqu’il le fût de toute l’Europe comme artiste. Il a passé vingt-cinq ans au service du prince Esterhazy ; et quand nous