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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/50

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consuelo.

pour moi n’est que de la charité, ton dévouement de l’héroïsme. Tu es une sainte que Dieu m’envoie, et jamais tu ne seras une femme pour moi. Je dois mourir consumé d’un amour que tu ne peux partager ; et cependant, Consuelo, tu seras mon épouse comme tu es déjà ma fiancée, soit que nous périssions ici et que ta pitié consente à me donner ce titre d’époux qu’un baiser ne doit jamais sceller, soit que nous revoyions le soleil, et que ta conscience t’ordonne d’accomplir les desseins de Dieu envers moi.

— Comte Albert, dit Consuelo en essayant de quitter ce lit couvert de peaux d’ours noirs qui ressemblaient à un drap mortuaire, je ne sais si c’est l’enthousiasme d’une reconnaissance trop vive ou la suite de votre délire qui vous fait parler ainsi. Je n’ai plus la force de combattre vos illusions ; et si elles doivent se tourner contre moi, contre moi qui suis venue, au péril de ma vie, vous secourir et vous consoler, je sens que je ne pourrai plus vous disputer ni mes jours ni ma liberté. Si ma vue vous irrite et si Dieu m’abandonne, que la volonté de Dieu soit faite ! Vous qui croyez savoir tant de choses, vous ne savez pas combien ma vie est empoisonnée, et avec combien peu de regrets j’en ferais le sacrifice !

— Je sais que tu es bien malheureuse, ô ma pauvre sainte ! je sais que tu portes au front une couronne d’épines que je ne puis en arracher. La cause et la suite de tes malheurs, je les ignore, et je ne te les demande pas. Mais je t’aimerais bien peu, je serais bien peu digne de ta compassion, si, dès le jour où je t’ai rencontrée, je n’avais pas pressenti et reconnu en toi la tristesse qui remplit ton âme et abreuve ta vie. Que peux-tu craindre de moi, Consuelo de mon âme ? Toi, si ferme et si sage, toi à qui Dieu a inspiré des paroles qui m’ont subjugué et ranimé en un instant, tu sens donc défaillir