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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/61

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consuelo.

grotte voisine. Tu mettras cette porte de fer entre toi et moi ; et tant que tu ne me rappelleras pas, je prierai pour toi dans mon église.

— Et pendant que vous prierez, pendant que je me livrerai au repos, votre père subira encore de longues heures d’agonie, pâle et immobile, comme je l’ai vu une fois, courbé sous la vieillesse et la douleur, pressant de ses genoux affaiblis le pavé de son oratoire, et semblant attendre que la nouvelle de votre mort vienne lui arracher son dernier souffle ! Et votre pauvre tante s’agitera dans une sorte de fièvre à monter sur tous les donjons pour vous chercher des yeux sur les sentiers de la montagne ! Et ce matin encore on s’abordera dans le château, et on se séparera le soir avec le désespoir dans les yeux et la mort dans l’âme ! Albert, vous n’aimez donc pas vos parents, puisque vous les faites languir et souffrir ainsi sans pitié ou sans remords ?

— Consuelo, Consuelo ! s’écria Albert en paraissant sortir d’un songe, ne parle pas ainsi, tu me fais un mal affreux. Quel crime ai-je donc commis ? quels désastres ai-je donc causés ? pourquoi sont-ils si inquiets ? Combien d’heures se sont donc écoulées depuis celle où je les ai quittés ?

— Vous demandez combien d’heures ! demandez combien de jours, combien de nuits, et presque combien de semaines !

— Des jours, des nuits ! Taisez-vous, Consuelo, ne m’apprenez pas mon malheur ! Je savais bien que je perdais ici la juste notion du temps, et que la mémoire de ce qui se passe sur la face de la terre ne descendait point dans ce sépulcre… Mais je ne croyais pas que la durée de cet oubli et de cette ignorance pût être comptée par jours et par semaines.

— N’est-ce pas un oubli volontaire, mon ami ? Rien ne