— Oui, à Vienne, tant que tu voudras, Beppo ; mais à Passaw, il ne le sera pas le moins du monde, je t’en avertis. Où sont nos effets, Joseph ?
— Dans la cuisine. Je vais les prendre pour les monter dans nos chambres, qui sont charmantes, à ce qu’on m’a dit. Vous allez donc enfin vous reposer !
— Bon Joseph, dit Consuelo en haussant les épaules. Allons, reprit-elle, va vite chercher ton paquet, et renonce à ta jolie chambre et au bon lit où tu prétendais si bien dormir. Nous quittons cette maison à l’instant même ; m’entends-tu ? Dépêche-toi, car on va sûrement fermer les portes. »
Haydn crut rêver.
« Par exemple ! s’écria-t-il : ces grands seigneurs seraient-ils aussi des racoleurs ?
— Je crains encore plus le Hoditz que le Mayer, répondit Consuelo avec impatience. Allons, cours, n’hésite pas, ou je te laisse et je pars seule. »
Il y avait tant de résolution et d’énergie dans le ton et la physionomie de Consuelo, que Haydn, éperdu et bouleversé, lui obéit à la hâte. Il revint au bout de trois minutes avec le sac qui contenait les cahiers et les hardes ; et, trois minutes après, sans avoir été remarqués de personne, ils étaient sortis du palais, et gagnaient le faubourg à l’extrémité de la ville.
Ils entrèrent dans une chétive auberge, et louèrent deux petites chambres qu’ils payèrent d’avance, afin de pouvoir partir d’aussi bonne heure qu’ils voudraient sans éprouver de retard.
« Ne me direz-vous pas au moins le motif de cette nouvelle alerte ? demanda Haydn à Consuelo en lui souhaitant le bonsoir sur le seuil de sa chambre.
— Dors tranquille, lui répondit-elle, et apprends en deux mots que nous n’avons pas grand’chose à craindre