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eux les douze marches d’un escalier fort doux, couvert d’un beau tapis de Turquie. Avant que Joseph eût eu le temps de lui demander le nom de son maître, il avait ouvert une porte battante qui retomba derrière eux sans faire aucun bruit ; et après avoir traversé une antichambre confortable, il les introduisit dans la salle à manger, où le patron gracieux de cette heureuse demeure, assis en face d’un faisan rôti, entre deux flacons de vieux vin doré, commençait à digérer son premier service, tout en attaquant le second d’un air paterne et majestueux. Au retour de sa promenade du matin, il s’était fait accommoder par son valet de chambre pour se reposer le teint. Il était poudré et rasé de frais. Les boucles grisonnantes de son chef respectable s’arrondissaient moelleusement sous un œil de poudre d’iris d’une odeur exquise ; ses belles mains étaient posées sur ses genoux couverts d’une culotte de satin noir à boucles d’argent. Sa jambe bien faite et dont il était un peu vain, chaussée d’un bas violet bien tiré et bien transparent, reposait sur un coussin de velours, et sa noble corpulence enveloppée d’une excellente douillette de soie puce, ouatée et piquée, s’affaissait délicieusement dans un grand fauteuil de tapisserie où nulle part le coude ne risquait de rencontrer un angle, tant il était bien rembourré et arrondi de tous côtés. Assise auprès de la cheminée qui flambait et pétillait derrière le fauteuil du maître, dame Brigide, la gouvernante, préparait le café avec un recueillement religieux ; et un second valet, non moins propre dans sa tenue, et non moins bénin dans ses allures que le premier, debout auprès de la table, détachait délicatement l’aile de volaille que le saint homme attendait sans impatience comme sans inquiétude. Joseph et Consuelo firent de grandes révérences en reconnaissant dans leur hôte bienveillant M. le chanoine majeur et jubilaire du chapitre cathé-