Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/73

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lorsqu’il nous demanda si nous n’avions aucun souvenir de nos existences antérieures.

— Aucun ! fut la réponse générale.

M. Lechien ayant fait du regard le tour de la table, et, nous voyant tous incrédules, s’avisa de regarder un domestique qui venait d’entrer pour remettre une lettre et qui n’était nullement au courant de la conversation.

— Et vous, Sylvain, lui dit-il, vous souvenez-vous de ce que vous avez été avant d’être homme ?

Sylvain était un esprit railleur et sceptique.

— Monsieur, répondit-il sans se déconcerter, depuis que je suis homme j’ai toujours été cocher : il est bien probable qu’avant d’être cocher, j’ai été cheval !

— Bien répondu ! s’écria-t-on.

Et Sylvain se retira aux applaudissements des joyeux convives.

— Cet homme a du sens et de l’esprit, reprit notre voisin ; il est bien probable, pour parler comme lui, que, dans sa prochaine existence, il ne sera plus cocher, il deviendra maître.

— Et il battra ses gens, répondit un de nous,