Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme, étant cocher, il aura battu ses chevaux.

— Je gage tout ce que vous voudrez, repartit notre ami, que Sylvain ne bat jamais ses chevaux, de même que je ne bats jamais mon chien. Si Sylvain était brutal et cruel, il ne se serait pas devenu bon cocher et ne serait pas destiné à devenir maître. Si je battais mon chien, je prendrais le chemin de redevenir chien après ma mort.

On trouva la théorie ingénieuse, et on pressa le voisin de la développer.

— C’est bien simple, reprit-il, et je le dirai en peu de mots. L’esprit, la vie de l’esprit, si vous voulez, a ses lois comme la matière organique qu’il revêt a les siennes. On prétend que l’esprit et le corps ont souvent des tendances opposées ; je le nie, du moins je prétends que ces tendances arrivent toujours, après un combat quelconque, à se mettre d’accord pour pousser l’animal qui est le théâtre de cette lutte à reculer ou à avancer dans l’échelle des êtres. Ce n’est pas l’un qui a vaincu l’autre. La vie animale n’est pas si pernicieuse que l’on croit. La vie intellectuelle n’est pas si indépendante que l’on dit. L’être est un ; chez lui, les besoins