Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rales dressées dans le vide par dessus les voûtes écroulées. Elle ne put se promener sous ces arcades qui essayaient en vain de franchir les abîmes de décombres. Mais elle reconstruisit dans sa pensée cette féerique villa, créée au sein d’un désert, dans le goût italien, alors que l’Italie nous devançait encore en fait d’art et de goût. Elle revit en esprit les fêtes de cette splendeur évanouie qui ne pouvait plus renaître sous sa forme ancienne et que déjà l’industrie bannissait de l’avenir. Elle ne rencontra aucun fantôme dans sa promenade, mais elle eut une vive jouissance à contempler les beaux effets du clair de lune dans les ruines. Elle put monter assez haut sur les assises de rochers qui dominaient le château, pour voir l’échappée de lumière glauque que la petite rivière ouvrait dans la profondeur du ravin. Çà et là, un bloc qui encombrait son lit se dessinait en masse noire, au milieu d’un tremblottement de diamants. Les chouettes s’appelaient d’une voix féline, les genêts et les fougères exhalaient leur parfum sauvage. Un calme profond régnait dans l’air, les branches des vieux arbres étaient aussi immobiles, aussi sculpturales que les ornements de pierre de la terrasse.

Diane éprouva comme un besoin de résumer sa courte vie au milieu de cette nature qui semblait absorbée dans la méditation de l’éternité. Elle revit son enfance, ses moments de curiosité sérieuse, ses langueurs maladives, ses aspirations vers un idéal mystérieux, ses découragements, ses enthousiasmes, ces chagrins, ses efforts, ses succès et ses espérances.