Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/233

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verte, et du côté du levant elle avait de grandes lames roses et lilas ; l’horizon se dégageait rapidement, et le rocher où Clopinet avait dormi était assez élevé pour qu’il vît combien la mer était grande. Elle était moins tranquille que la veille, mais elle était beaucoup plus loin, et il voulut la voir de près en plein jour. Il courut sur le sable, peu soucieux de mouiller ses jambes dans les grandes flaques qu’elle avait laissées, et il ne fut content que lorsqu’il en eut jusqu’aux genoux. Il ramassa quantité de coquillages différents qui tous étaient bons et jolis ; puis il retourna au pied de la dune pour boire aux petites sources un peu saumâtres, mais moins âcres que l’eau de mer qu’il avait goûtée. Il était si content de voir cette grande chose dont il avait tant rêvé, qu’il ne pensait plus à retourner chez lui. Il avait presque oublié tout ce qui lui était arrivé la veille. Il allait et venait sur le rivage, regardant tout, touchant à tout, essayant de se rendre compte de tout. Il vit au loin passer des barques, et il comprit ce que c’était en distinguant les hommes qui les montaient et les voiles que le vent enflait. Il vit même un navire à l’horizon et crut que c’était une église ; mais cela marchait comme les barques, et son cœur battit bien fort. C’était donc là un vaisseau, une de ces maisons flottantes sur lesquelles son oncle avait voyagé ! Clopinet eût voulu être sur ce bâtiment et voir où finissait la mer, au-delà de la ligne grise qui la séparait du ciel.

Il ne pensait plus au tailleur, lorsque la peur lui revint à cause d’une personne qu’il aperçut au loin,