Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/242

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saient-elles, à la mer, à la mer ! Allons, ne te rendors pas, ouvre tes ailes et viens avec nous, à la mer, à la mer !

Clopinet sentit son cœur battre et ses ailes s’ouvrir. Il sauta de la lucarne, et de là sur un vieux mât qui était attaché à la maison et qui servait de perchoir aux pigeons ; puis il se laissa glisser ou s’envola comme c’était son idée, et se trouva dans la mer sur la barque de son oncle.

Elle était bien amarrée avec une chaîne et un cadenas. Il n’y avait pas moyen de s’en servir ; mais l’eau ne faisait que lécher le rivage, elle n’était pas profonde, et Clopinet, soit qu’il nageât à la manière des oiseaux, soit qu’il fût porté par le vent, arriva sans mouiller son corps dans une grande plaine de sables et de joncs marins très-sèche où il n’était point aisé de marcher vite. D’ailleurs c’était l’heure de dormir, et Clopinet avait veillé au-delà de ses forces. Il se coucha dans ce sable fin et chaud et ne s’éveilla qu’au lever du soleil, bien reposé et bien content de se sentir libre. Sa joie fut vite troublée par une découverte fâcheuse : il avait cru voler et marcher du côté de Honfleur, dont il avait vu le phare, et il s’était trompé. Il se reconnaissait, il avait passé là l’avant-veille avec son frère François. Il était revenu par là de Villers et des Vaches-Noires. Il y retournait ! C’est par là que le tailleur devait revenir de Dives, il risquait de le rencontrer. Retourner à Trouville n’était pas plus rassurant. On l’y verrait, on ne manquerait pas de livrer sa piste à l’ennemi.

Il prit le parti de continuer du côté des dunes en