se tenant loin du chemin plus élevé qui traverse les sables, et en rasant la grève. Son oncle lui avait appris que le tailleur avait la mer en aversion ; il en avait une peur bleue, il disait n’avoir jamais pu mettre le pied sur une barque sans être malade à en mourir. La vue seule des vagues suffisait pour lui tourner le cœur, et quand il cheminait sur la côte, il se gardait bien de suivre les plages, il allait toujours par le plus haut et par le plus loin.
Clopinet arriva ainsi à Villers, où, après avoir bien regardé autour de lui, il acheta vite un grand pain, et tout aussitôt il reprit sa route le long des dunes jusqu’aux Vaches-Noires, où il se retrouva seul, dans son désert, avec un plaisir comme s’il eût revu sa maison et son jardin.
Cependant il ne souhaitait plus retourner chez ses parents. Ce que son frère lui avait dit lui ôtait toute espérance d’attendrir son père et de trouver protection auprès de la mère Doucette. Il mangea en regardant la côte ; le peu de jours qu’il avait passés avec son oncle lui avait donné quelques notions du pays. La journée était claire, il vit comme l’embouchure de la Seine était loin, et que pour gagner Honfleur il fallait traverser des pays plats et découverts. Les dunes où il se trouvait étaient les seules du voisinage où il pût se cacher, s’abriter et vivre seul. Le pauvre enfant avait peur de tout le monde, madame Laquille ne l’avait pas réconcilié avec le genre humain. D’ailleurs il était très habitué à la solitude, lui qui n’avait encore fait que de garder les vaches dans un pays où il ne passait jamais personne. En-