aller au moins jusque-là fut si forte qu’il pensa oublier sa commission. Pourtant il résista et se fit enseigner la maison de l’apothicaire. Là, pendant qu’on préparait la drogue, il faillit oublier qu’il devait la reporter à ses parents. L’objet qui absorbait son attention et qui le jetait dans un ravissement sans pareil, c’était un combattant, autrement dit paon de mer, perché sur un bâton et immobile dans la vitrine. L’apothicaire, s’amusant de sa surprise, prit l’oiseau, qui semblait bien vivant, car ses yeux brillaient et son bec était ouvert, et le lui fit toucher ; il était empaillé. Clopinet n’avait pas idée d’un pareil artifice et se le fit expliquer ; puis, avec une vivacité et un air de décision qui, de la part d’un garçon d’apparence si simple, étonna tout à coup l’apothicaire, il demanda si celui-ci voudrait bien lui apprendra à conserver et à empailler.
— Ma foi ! répondit l’apothicaire, si tu veux m’aider dans cette besogne, tu me feras plaisir, pour peu que tu aies autant d’adresse que de résolution. — Il apprit alors à Clopinet que le curé de l’endroit et le seigneur du château voisin étaient grands amateurs d’ornithologie, c’est ainsi que l’apothicaire appelait la connaissance des oiseaux, de leur classement en familles, en genres et en espèces. Ces deux personnages s’en procuraient tant qu’ils pouvaient, le seigneur à tout prix, le curé au prix de tout l’argent qu’il pouvait y mettre. Le pays était très-riche en oiseaux de mer et de rivage, à cause des grands ensablements de la côte et des marécages formés par la Dive. Tous les chasseurs y guettaient ce gibier