Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/310

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laissé surprendre et emporter par elle. — Il faut, lui dit-il, que je t’avoue une chose. Je vivais mal de mon état, et depuis le jour où je t’avais vu paré de trois belles plumes de roupeau, je n’avais plus d’autre ambition que celle de découvrir la cachette de ces oiseaux précieux. J’en voyais bien voler au-dessus et autour de cette maudite falaise, mais je n’osais point m’y risquer ; quoique je marche et grimpe très-joliment, Dieu ne m’a point donné le courage, et je n’osais ni me risquer tout seul, ni me donner comme toi au diable.

— Monsieur le tailleur, dit Clopinet en lui passant sa gourde, buvez un coup ; vous avez besoin d’éclaircir vos idées, car vous êtes un imbécile de croire au diable, et, quand vous prétendez que je me suis donné à lui, je vous déclare, sans vouloir vous offenser, que vous mentez comme un chien.

Le tailleur, qui était querelleur et vigoureux au combat, baissa la tête et fit des excuses, car il avait trouvé son maître.

— Mon cher monsieur Clopinet, dit-il, je vous dois de faire encore l’ornement de ce monde, je vous en suis reconnaissant, et les femmes vous béniront.

— Puisque vous avez de l’esprit et que vous vous moquez agréablement de vous-même, je vous pardonne, reprit Clopinet.

Mais le tailleur ne se moquait point. Il se croyait très-bien de sa personne, et il assura très-sérieusement que les belles le trouvaient aimable et se disputaient son cœur. Clopinet fut alors pris d’un si