Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/346

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d’ailleurs je n’étais plus habitué à ce grand silence de la montagne qui ne ressemble à rien et que ne semble pas interrompre le bruit continu des torrents. Je n’étais pas non plus des mieux couchés, et, bien que je ne fusse pas difficile, je me retournais d’un côté sur l’autre sans trouver moyen de m’étendre, tant mon refuge était resserré. Je pris le parti de m’asseoir sur mes talons, et, comme je manquais d’air, je poussai une des pierres que j’avais amoncelées pour me garantir, et regardai dehors pour me désennuyer.

Quelle fut ma surprise de voir que tout était changé dans la rencluse depuis que la lune s’était levée ! Elle était toute verte, toute herbue, et s’il y avait encore quelques roches éparses, elles n’étaient ni plus grosses ni plus nombreuses qu’un petit troupeau de moutons. Je fus si étonné que je sortis de mon refuge pour toucher la terre et l’herbe avec mes pieds et m’assurer que je n’étais plus dans un éboulement, que je foulais la belle prairie d’autrefois et que ce n’était point un rêve. Je me réjouissais encore plus que je ne m’étonnais, lorsque tout à coup, en me retournant, je vis derrière moi, haut comme une pyramide, le géant, dont la base occupait tout le fond de la rencluse à ma gauche. D’abord il me parut tel qu’autrefois, quand il se dressait au bord de la rencluse d’Yéous, au-dessus de la nôtre ; mais, à mesure que je le regardais, il changeait d’apparence : sa base se rétrécissait comme une gaîne, son corps prenait un air de forme humaine, sa tête se dessinait comme une boule. Il ne lui manquait que des bras, et, quand