Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/349

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ruinée, hors de service, la prairie bien écrasée par une montagne de rochers, de pierrailles et de sable, et qu’il n’y avait plus aucun moyen de l’utiliser. En outre, les glaces du plateau d’Yéous, qui autrefois ne descendaient pas jusqu’à nous, s’étaient ouvert un passage l’hiver précédent. On en voyait la trace le long du rocher, la chute du géant ayant creusé une large rigole par où elles glissaient sur notre terrain avec la neige, et cette circonstance était une nouvelle cause de dévastation.

Malgré tant de sujets de découragement, une idée fixe me brûlait la tête. Je voulais reconquérir ma propriété et mettre le géant dehors. Comment ? par quels moyens ? je ne m’en doutais pas ; mais je le voulais.

Tout en rêvassant, je ramassais des pierres et je les jetais les unes sur les autres, essayant de déblayer un coin, ne fût-il grand que comme mon corps. Je voulais voir si le sol était ensablé trop profondément pour recouvrer son ancienne fertilité. Je fus surpris de trouver de l’herbe très-épaisse dans les endroits où la pierre ne portait pas à plat. Cette herbe n’était même que trop vigoureuse, car elle pourrissait dans l’humidité, les eaux n’ayant plus d’écoulement et formant partout des flaques ou de petits marécages. La terre étant humide et légère, j’y pus plonger mes mains profondément et m’assurer que c’était toujours de la bonne terre, susceptible de bien produire, si elle pouvait être assainie par des rigoles bien dirigées.

En une heure, je déblayai à peu près un mètre. Je