Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/350

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me reposai un instant et repris mon travail avec plus d’ardeur. Vers le soir, je mesurai mon ouvrage, j’avais nettoyé environ six bons mètres de terrain. Il est vrai que c’était à l’endroit le moins épais et dans la pierre menue. — C’est égal, pensai-je, qui sait ce que je pourrais faire avec le temps ?

La faim me pressait : je descendis à la rencluse de Maury, celle qui est au-dessous d’ici et qui est habitée presque toute l’année. Ses cabanes avaient changé de maîtres. Je n’y connaissais plus personne et personne ne m’avait jamais connu ; mais j’avais de l’argent, et, bien que pour me donner le souper et le couvert on ne me demandât rien, je parlai de payer ma dépense. Je tenais à n’être pas à charge, comptant m’installer là pour quelques jours.

Le père Bradât, maître berger des troupeaux de cette rencluse, était un vieux brave homme qui, tout en m’accueillant avec beaucoup de bonté, s’étonna de mon idée, d’autant plus que je me gardais bien de lui en dire le fond. — Tu cherches donc de l’ouvrage chez nous ? me dit-il. Par malheur, mon enfant, j’ai le monde qu’il me faut et ne puis t’employer.

— Je ne cherche pas d’ouvrage pour le moment, lui dis-je, j’en ai ; j’ai aussi quelque argent pour attendre, et, comme je vois que vous me prendriez peut-être pour un vagabond qui veut se cacher dans la montagne avec l’idée de faire ou de cacher quelque sottise, je vais vous dire tout de suite qui je suis. Avez-vous entendu parler de Miquelon ?

— Oui, c’est un nom connu ici, parce que le pla-