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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


XLIII

À M. JULES BOUCOIRAN, À CHÂTEAUROUX


Nohant, 27 octobre 1830.


Je vous remercie, mon cher enfant, de vos deux billets. Je me doutais bien de l’exagération des rapports sur Issoudun qui nous étaient parvenus. Il en est ainsi de toutes les nouvelles, véritables cancans politiques, qui grossissent en roulant par le monde.

La vérité a toujours quelque chose de trivial qui déplaît aux esprits poétiques. Nous sommes d’ailleurs dans le pays, dans la terre classique de la poésie, on ne dit jamais les choses comme elles sont. Voit-on des cochons, ce sont des éléphants ; des oies, ce sont des princesses ; ainsi du reste. Je suis lasse et dégoûtée de tout cela ; aussi je ne lis plus les journaux. J’exècre l’esprit de commérage des coteries provinciales : c’est une guerre de menteries, un assaut d’absurdités qui fait mal au cœur, pour peu qu’on en ait. Je ne trouve en dehors de ma vie intime, rien qui mérite un sentiment d’intérêt véritable.

De nos jours, l’enthousiasme est la vertu des dupes. Siècle de fer, d’égoïsme, de lâcheté et de fourberie, où il faut railler ou pleurer sous peine d’être imbécile ou misérable. Vous savez quel parti je prends. Je concentre mon existence aux objets de