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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

son plus beau droit. Mais reprocher un passé déjà loin, contempler en silence des erreurs qu’on juge et qu’on ne pardonne pas, puis les condamner le jour où il n’est plus temps et où l’on ne sait même plus où les prendre, c’est injuste. Dire à la personne aimée : « Votre cœur est froid, léger ou impuissant ! » C’est dur, c’est cruel.

C’est une humiliation gratuitement infligée, vous faites souffrir sans rendre meilleur. Les cœurs secs ne s’amollissent pas, les cœurs usés ne rajeunissent plus, les cœurs incomplets ne rencontrent ni sympathie ni pitié. Si c’est là mon sort, il est bien brutal de me le signaler.

Vous ajoutez que votre caractère a dû me faire souffrir plus d’une fois. Vous en ai-je jamais parlé, moi ? Vous ai-je blessé dans ce que nous avons de plus irritable, l’estime de nous-mêmes ? Non, je sais trop qu’il faut jeter un voile de pardon et d’oubli sur les imperfections de ceux qui nous sont chers.

Adieu, mon cher enfant. Donnez-moi des nouvelles de Maurice et des vôtres le plus tôt possible. Je vous embrasse de tout mon cœur.