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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pas du tout si j’ai reparlé de vous avec mon mari. S’il vous importe de le dissuader, n’êtes-vous pas bien à même de le faire, vous qui le voyez tous les jours ?

Vous me faites des reproches très graves, mon cher enfant. Ils constituent de votre fait un tort bien plus grave. Vous me reprochez mes nombreuses liaisons, mes frivoles amitiés. Je n’entreprends jamais de me justifier des accusations qui portent sur mon caractère. Je puis expliquer des faits et des actions ; des défauts d’esprit ou des travers de cœur, jamais. J’ai une trop saine opinion du peu que nous valons tous, pour faire de moi le moindre cas. D’ailleurs, en mon particulier, je ne m’adore ni ne me révère. Le champ est donc libre à ceux qui rabaissent mon mérite. Je suis prête à rire avec eux, s’ils font appel à ma philosophie. Mais, si c’est une question d’affection, si c’est une souffrance de l’amitié que vous m’exprimez, vous avez tort. Quand on découvre de grandes taches dans l’âme de ceux qu’on aime, il faut se consulter et savoir si l’on peut les aimer encore malgré cela. Le plus sensé est de cesser ; le plus généreux est de continuer. Pour que la générosité soit délicate et complète, il faut ne pas leur dire leur fait, car cela est cruel. Tous les reproches qui ont pour objet des faits de légère importance ou des défauts corrigibles, les avertissements affectueux à donner, les avis tendres et les plaintes délicates, tout cela, je le sais, est du domaine de l’amitié. C’est même