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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de nature, vous ne savez pas changer de sentier. Vous avez un drapeau au bout de votre lance, un nom sur la langue, une formule dans la tête, et vous vous faites un point d’honneur imbécile et fatal de n’en pas changer à mesure que vous vous éclairez.

Je voudrais voir un homme d’intelligence et de cœur chercher partout la vérité et l’arracher par morceaux à chacun de ceux qui l’ont dépecée et partagée entre eux. Je voudrais le voir passer par toutes les sectes pour les connaître et les juger. Je voudrais qu’au lieu de le mépriser et de le railler pour sa mobilité, les hommes l’écoutassent comme le plus éclairé et le plus zélé des prêtres de l’avenir.

Mais on fait une vertu de l’obstination, — cela convenant aux passions des uns, à l’ignorance des autres. — Si vous n’êtes pas d’une organisation magnifique pour être un chef (et vous êtes d’une nature cent fois trop élevée pour être un soldat), n’ayez ni présomption folle ni servilisme d’humilité. Vous n’êtes donc destiné ni à commander ni à servir. Souvenez-vous de ce que je vous dis : un jour, vous ne croirez plus à aucune secte religieuse, à aucun parti politique, à aucun système social. Vous ne verrez pour les hommes qu’une possibilité d’amélioration soumise à mille vicissitudes. Vous verrez qu’il faut, pour les abriter, un toit de pierre, de paille ou de papier suivant la saison, mais qu’ils étoufferaient vite dans vos palais de diamant, rêves de jeunesse !

Allez toujours, vivez ! Aidez à fournir une pierre