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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pour un édifice qui ne sera jamais ni parfait ni solide, mais auquel travailleront de mieux en mieux les générations futures. Travaillez pour que ce qui va mal aille tant soit peu mieux, mais travaillez sans trop d’orgueil. Il vous arriverait plus tard, en voyant le peu que vous avez pu, de tomber dans le découragement, comme vous avez déjà fait par moments ; et convenez que, dans ces moments-là, vous êtes sensiblement au-dessous de vous-même.

Il ne serait pas impossible qu’au milieu de tous mes sermons, je me misse aussi à labourer le champ avec une épingle noire et un cure-dent. Ne partez pas trop vite pour l’Égypte. Il est possible que je m’y fasse envoyer pour tâcher d’opérer une fusion entre cette nuance et une autre.

Ma vie de femme est finie, et, puisqu’on m’a fait une petite réputation et une sorte d’influence (que je n’ai ni ambitionnée ni méritée), il m’arrivera peut-être de faire aussi de mon côté un métier de jeune homme.

J’ai regret à ces trésors de vertu et de courage qui s’isolent les uns des autres, et, si je pouvais réussir à fondre ensemble le produit de cinq paires de bras, je croirais avoir assez fait pour ma part, eu égard à la force des miens. Ne parlez de cela à personne et attendez-moi jusqu’au mois de mai. Je vous dirai où j’en suis.

Adieu, mon ami. À vous de tout cœur.

GEORGE SAND.