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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

l’enfant du peuple est plus fort, et son ambition vise plus haut qu’aux distinctions et aux amusements puérils du bien-être et de la vanité. Souvenez-vous, cher Poncy, du mouvement qui vous fit crier :


Pourquoi me brûles-tu, ma couronne d’épines ?


C’était un mouvement divin.

Eh bien ! beaucoup ont crié de même dans ce siècle de corruption et de faiblesse. On leur a donné de l’or et des honneurs ; leur couronne d’épines a cessé de les brûler. Aussi ce ne sont pas là des Christs, et malgré le bruit qu’on fait autour d’eux, la postérité les remettra à leur place.

Faites-vous une place que la postérité vous confirme. Soyez le seul, parmi tous les grands poètes de notre temps, qui sache tenir sous ses pieds le démon de la vanité, comme l’archange Michel.

Je ne veux pas altérer en vous la sainte reconnaissance que vous portez sans doute à l’auteur de votre préface ; mais ce bon homme ne vous a pas compris. Il a eu peur de vous. Il vous a donné de mauvais conseils et de pauvres louanges. Quand je parlerai de vous au public, j’espère en parler un peu mieux. Quand vous ferez un nouveau recueil, je vous prie de me prendre pour votre éditeur et de me confier le soin de faire votre préface.

Adieu ; jamais mot ne fut d’un sens plus profond pour moi que celui-là, et jamais je ne l’ai dit avec plus d’émotion. À Dieu votre avenir, à Dieu votre vertu,