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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

d’acheter un beau cadeau à Françoise, ma fidèle servante, qu’il adore, et il a bien raison.

Il vous prie donc de lui envoyer, tout de suite, quatre aunes de dentelle haute de deux doigts au moins dans le prix de dix francs l’aune ; de plus, un châle de ce que vous voudrez dans le prix de quarante francs. Nos paysannes portent ces châles en fichu, en faisant plusieurs plis retenus par une épingle sur la nuque, et en laissant descendre la pointe jusqu’au-dessous de la taille, et les côtés jusqu’au-dessus du coude, très croisés sur la poitrine. C’est donc plutôt un grand fichu qu’un châle, mais avec de la frange tout autour, quand elles sont en grande tenue. Il faut une bordure dans le dessin, ou un semis, ou encore un châle uni. Vous comprenez qu’une rayure en biais n’irait pas avec ce déploiement régulier sur le dos. Vous pouvez le prendre ou en soie ou en laine, peut-être en cachemire français léger.

Quant à la couleur, comme Françoise porte le deuil toute sa vie en qualité de veuve berrichonne, il faut que ce soit un châle de deuil ; mais le deuil de nos paysannes admet le gros bleu, le gris, le gros vert, le violet, le brun, le puce et le marron. Toutes les autres couleurs sont proscrites. Un seul point rouge serait une abomination.

Voilà le superbe cadeau que vous demande votre honoré maître, avec un empressement digne de l’ardeur qu’il porte dans ses dons, et de l’impatience qu’il met dans les petites choses.