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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

crottées et mon sac de voyage, et si je lui eusse frappé sur l’épaule au point d’orgue ?

Puzzi-Primo ne se fût pas déconcerté, accoutumé qu’il est à braver insolemment les regards d’un public infatué de lui ; voire d’un public de métaphysiciens, de Genevois. Mais Puzzi-Secondo, moins blasé sur le triomphe et moins certain de la douce bienveillance des demoiselles de seize ans, eût fait une exclamation inconvenante, qui n’eût pas été dans le ton du morceau.

J’aurais eu le plus grand plaisir du monde à vous faire manquer votre rentrée et à vous faire gâcher et massacrer votre finale. J’aurais, la première, tiré un sifflet, un mirliton, une guimbarde de ma poche, et j’aurais donné au public de métaphysiciens le signal des huées. J’aurais dit : « Messieurs, je suis l’agréable auteur de bagatelles immorales qui n’ont qu’un défaut, celui d’être beaucoup trop morales pour vous. Comme je suis un très grand métaphysicien, par conséquent très bon juge en musique, je vous manifeste mon mécontentement de celle que nous venons d’entendre, et je vous prie de vous joindre à moi, pour conspuer l’artiste vétérinaire et le gamin musical que vous venez d’entendre cogner misérablement cet instrument qui n’en peut mais. »

À ce discours superbe, les banquettes auraient plu sur votre tête, et je me fusse retirée fort satisfaite, comme fait Asmodée après chaque sottise de sa façon.

Sans plaisanterie, mes chers enfants, si j’avais eu