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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

aillent au cœur du peuple et que la grande voix que le ciel vous a donnée pour chanter au bord de la mer ne meure pas sur les rochers, comme celle de la Harpe des tempêtes. Prenez dans vos robustes mains la harpe de l’humanité et qu’elle vibre comme on n’a pas encore su la faire vibrer. Vous avez un grand pas à faire (littérairement parlant) pour associer vos grandes peintures de la nature sauvage avec la pensée et le sentiment humain. Réfléchissez à ce que je souligne ici. Tout l’avenir, toute la mission de votre génie sont dans ces deux lignes. C’est peut-être une mauvaise formule de ce que je veux exprimer ; mais c’est celle qui me vient dans ce moment, et, telle qu’elle est, c’est le résumé de mes impressions et de mes réflexions sur vous. Méditez-la, et, si elle vous suffit pour comprendre ce que j’attends de vos efforts, donnez-m’en vous-même l’explication et le développement dans votre réponse. C’est peut-être une énigme que je vous propose. Eh bien, c’est un travail pour votre intelligence. Si vous n’entendez pas la solution comme je l’entends, rappelez-moi ma formule, et je vous la développerai de mon côté dans ma prochaine lettre. Au reste, la difficulté que je vous propose, d’associer (en d’autres termes) le sentiment artistique et pittoresque avec le sentiment humain et moral, vous l’avez instinctivement résolue d’une manière admirable en plusieurs endroits de vos poésies. Dans toutes celles où vous parlez de vous et de votre métier, vous sentez profondément que, si l’on a du plai-