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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

et les plus ignobles chanteurs que j’aie jamais entendus.

Cela, au reste, m’a fait du bien, en ce sens que je me suis réconciliée avec les théâtres d’Italie, que je méprisais beaucoup trop. Si la seconde ville de France chante si faux et si salement, sans offenser personne, il faut rendre hommage aux villes de cinquième et sixième ordre de l’Italie. On y chante juste, et, si on y a mauvais goût, on y a du chic, de l’élan et du toupet.

Aujourd’hui, on m’a fait dîner dans un restaurant très burlesque. On entre dans une cuisine, on monte à tâtons un escalier plein d’immondices, et on arrive à une petite chambre fort sale, où on vous sert cependant un très bon dîner. Ce soir, nous sommes rentrés chez madame Montgolfier, et un monsieur — que vous connaissez, à ce qu’on dit, — m’a chanté, sans aucune espèce de voix, deux ou trois morceaux de Schubert que je ne connaissais pas. J’ai deviné que cela devait être très beau.

La Montgolfière me paraît une excellente femme un peu atteinte par la cancannerie, l’investigation et la curiosité provinciales, brodant un peu, amplifiant pas mal, et jugeant parfois à côté ; du reste, proclamant et pratiquant des sentiments très élevés, et possédant des facultés et des qualités qui n’ont manqué que d’un peu plus de développement. Je la crois très sincèrement zélée pour Franz et très dévouée à vous. Elle est charmante pour moi.