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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Gévaudan, qui m’avait quittée à moitié chemin pour prendre une route plus courte, a reparu tout à coup hier sur mon horizon mélancolique. Il prétend être rappelé à Lyon par sa caisse de cigares, qu’il faut recevoir et payer. As you like it, all is well that ends well, et beaucoup d’autres proverbes shakespeariens qui ne changeront rien à nos positions respectives. Je suis charmée de le voir, il promène mes Piffoels[1] pendant que je travaille le matin à notre fameuse relation[2] ; mais je crois qu’il fait much ado about nothing.

Bonsoir, mes bons et chers enfants. Aimez-moi seulement la moitié de ce que je vous aime, et ce sera beaucoup. Je n’ai pas le droit de vous en demander davantage. Vous vous occupez tant le cœur et l’esprit l’un et l’autre, qu’il ne reste pas une part de première qualité pour les rustres de mon espèce, gens solitaria et thérapeutique. Mais cela ne m’empêche pas de vous mettre en première ligne dans mes affections, sans me soucier de « l’équilibre de la vie morale et intellectuelle ».

Fazy[3] m’a envoyé le cachet. Je ne vous charge pas de le remercier. Il m’a dit qu’il serait le 4 à Lyon : c’est donc demain que je le remercierai moi-même avec toute l’ardente effusion que vous me connaissez. Je vous prie de donner une bonne poignée de main pour

  1. Sobriquet donné par Liszt à Maurice et à Solange.
  2. Voy. les Lettres d’un voyageur.
  3. James Fazy, président de la république de Genève.