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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

voté pour la nomination par l’Assemblée, pensant que les besoins de la politique exigeaient cette infraction au principe. Moi, j’avoue que je déteste ce qu’on appelle aujourd’hui la politique, c’est-à-dire cet art maladroit, peu sincère et toujours déjoué dans ses calculs par la fatalité ou la Providence, de substituer à la logique et à la vérité des prévisions, des ressources, des transactions, la raison d’État des monarchies, en un mot. Jamais l’instinct du peuple ne ratifiera les actes de la politique proprement dite, parce que l’instinct populaire est grand quand Dieu souffle sur lui, tandis que l’esprit de Dieu est toujours absent de ces conciliabules d’individus où l’on fabrique avec de grands moyens de si petits expédients.

Pourtant, le peuple va se tromper et manquer de lumière et d’inspiration dans le choix de son président. Du moins, on le prévoit et on craint l’élection du prétendant. Qu’y faire ? En lui laissant son droit, on lui laisse au moins l’intelligence et la foi du principe, et il vaut mieux qu’il en fasse, au début, un mauvais usage que s’il perdait la notion de son droit et de son devoir en secondant avec prudence et habileté les exigences de la politique.

S’il fait un mauvais choix, il pourra aussi le défaire, au lieu que, s’il ne fait pas de choix du tout, il n’y aura pas de raison pour qu’il ne subisse pas celui qu’on aura fait à sa place.