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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

d’avoir compromis pour un temps, par trop de précipitation, le sort de la République.

En somme, je veux vous le dire franchement, et je crois être certaine que c’est aussi votre pensée, le 15 mai est une faute, et plus qu’une faute politique, c’est une faute morale. Entre l’idolâtrie hypocrite des réactionnaires pour les institutions-bornes, et la licence inquiète des turbulents envers les institutions encore mal affermies, il y a un droit chemin à suivre.

C’est le respect pour l’institution qui consacre les germes évidents du progrès, la patience devant les abus de fait, et une grande prudence dans les actes révolutionnaires qui peuvent nous faire, j’en conviens, sauter par-dessus ces obstacles, mais qui peuvent aussi nous rejeter bien loin en arrière et compromettre nos premières conquêtes, comme cela nous est arrivé. Ah ! si nous avions eu des motifs suffisants, le peuple eût été avec nous ! mais nous n’avions encore que des prétextes, comme ceux qu’on cherche pour se battre avec un homme dont la figure vous déplaît. Il est bien vrai que la figure d’un homme et ses paroles montrent et prouvent ce qu’il est, et qu’un jour ou l’autre, s’il est un coquin, l’honnête homme aura le droit de le châtier. Mais il faut qu’il y ait eu des actions bien graves et bien concluantes, autrement, notre précipitation est un procès de tendance, une injustice contre laquelle la conscience humaine se révolte. Voilà pourquoi les clubs ont été seuls au 15 mai.

Au milieu de tout cela, vous, décidé comme moi à