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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pas un fait exact, pas même mon nom, pas même mon âge. Je ne m’appelle pas Marie et je suis née, non en 1805, mais en 1804. Ma grand’mère n’a jamais été à l’Abbaye-aux-Bois. Mon père n’était pas colonel. Ma grand’mère mettait l’Évangile beaucoup au-dessus du Contrat social. À quinze ans, je ne maniais pas un fusil, je ne montais pas à cheval, j’étais au couvent. Mon mari n’était ni vieux ni chauve. Il avait vingt-sept ans et beaucoup de cheveux. Je n’ai jamais inspiré de passion au moindre armateur de Bordeaux. Le vingtième chapitre d’un roman célèbre est un chapitre de roman. Il est vraiment trop facile de construire la vie d’un écrivain avec des chapitres de roman, et il faut le supposer bien naïf ou bien maladroit pour croire que, si, dans ses livres, il faisait allusion à des émotions ou à des situations personnelles, il ne les entourerait d’aucune fiction qui déroutât complètement le lecteur sur le compte de ses personnages et sur le sien propre.

Le trait que vous rapportez de M. Roret est très honorable et je l’en crois très capable ; mais il n’a pu m’apporter mille francs après le succès en déchirant le traité primitif, puisque je n’ai jamais eu le plaisir de traiter avec lui pour quoi que ce soit.

M. de Kératry ni M. Rabbe n’ont été appelés par M. Delatouche à juger Indiana. D’abord M. Delatouche jugeait lui-même. Ensuite il n’avait aucune espèce de relations avec M. de Kératry. Je n’ai pas eu, après le succès d’Indiana, un appartement ni des réceptions.