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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

ques jours, prouvez, citoyens, que vous pouvez maîtriser votre émotion et ne pas perdre la notion d’une équité supérieure aux troubles passagers de la situation.

» Ne confondez point l’ordre, ce mot officiel du passé, avec la méfiance qui aigrit et provoque. Il vous est bien facile de maintenir l’ordre sans porter atteinte à la liberté. Vous n’avez pas droit sur la liberté, conquête du peuple, et, comme ce n’est pas le peuple, que c’est une très petite fraction du peuple qui vous a outragés le 15 mai, vous ne pouvez pas, vous ne devez pas châtier la France de la faute commise par quelques-uns, en restreignant les droits et les libertés de la France.

» Prenez garde, et n’agissez pas sous l’influence de la réaction ; car ce n’est pas le 15 mai que vous avez couru un danger sérieux, c’est aujourd’hui, derrière le rempart de baïonnettes qui vous permet de tout faire. Le danger pour vous, ce n’est pas d’affronter une émeute parlementaire. Tout homme investi d’un mandat comme le vôtre doit envisager de sang-froid le passage de ces petites tempêtes ; mais le danger sérieux, c’est de manquer au devoir que ce mandat vous impose, en faisant entrer la République dans une voie monarchique ou dictatoriale ; c’est d’étouffer le cri de la France, qui vous demande la vie, et à laquelle un retour vers le passé donnerait la mort ; c’est enfin de préparer, par crainte de l’anarchie partielle dont vous venez de sortir sains et saufs, une