Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

ment à celui de la lune, que les paysans, étonnés, croyaient le voir à la place du soleil sans trop s’inquiéter de ce que le soleil lui-même était devenu. À ce moment-là, les nuages, qui s’étaient amoncelés comme un orage, se sont rapidement étendus en stratus légers, et la campagne a pris un ton particulier assez semblable à celui de l’aube, avec cette différence bien sensible et qui constitue l’originalité du spectacle, qu’au crépuscule du matin ou du soir, les horizons du ciel se colorent du côté du soleil et que ceux de la terre se dessinent nettement, laissant la nuit envahir le zénith ; tandis que, durant l’éclipse, la nuit semblait se faire et venir à nous de toutes les profondeurs de l’horizon pour se dissiper vers le sommet de la voûte céleste. Ainsi les lointains étaient indécis et entièrement décolorés, sans que les objets rapprochés fussent sensiblement altérés. Quand le croissant solaire se dégageait des nuages, il suffisait même à projeter fortement les ombres autour de nous, et ce contraste d’une assez vive lumière sur nos têtes avec l’éloignement obstiné des lointains offrait un aspect de la nature très insolite et très frappant.

L’un de nous, qui a la vue particulièrement longue et nette, a observé plus faiblement, mais avec conviction, ce que j’avais pu constater avec lui lors de la dernière éclipse, ce que je n’ai pu saisir cette fois-ci, ayant un peu trop regardé le soleil à l’œil nu. Cette observation, que je n’ai vue consignée nulle part, consiste en ceci : que le spectre du croissant solaire s’est