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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pas une idée aussi désintéressée qu’ils le disent. Leur devise est belle : « Travailler sans espoir de récompense ; la récompense est dans le bien qu’on fait. »

Oui, à condition qu’on pourra le faire toujours et le recommencer éternellement ; le faire pendant une cinquantaine d’années, c’est se contenter de trop peu, c’est se contenter d’un devoir trop vite fait. Et puis, le spectacle et le sens du vrai et du beau est trop grand pour qu’une vie suffise à le contempler et à le savourer. Ce défaut de proportion serait un manque d’équilibre inadmissible.

Oui, j’irai à Paris pour quelques jours seulement. Mais, entre nous, je m’occupe d’arranger ma vie pour être un peu plus libre. Me voilà dans ma soixantième année. C’est un chiffre rond et je sens un peu le besoin de la locomotion pour mon tardif été de la Saint-Martin.

Je serai bien heureuse de vous revoir à de moins longs intervalles. — Nous restons quand même, c’est-à-dire malgré mes reproches à la tendance matérialiste de M. Renan, bien d’accord, vous et moi, sur l’excellence et l’utilité de sa Vie de Jésus. S’il savait la lettre que vous m’avez écrite, c’est celle-là qu’il voudrait, le gourmand !

À vous de cœur, mon cher prince, pour moi et mes enfants.

G. SAND.

Je suis dans une douleur inquiète aujourd’hui. Je