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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

donc de notre fortune présente ; car nous sommes enfin payés de nos fatigues et de nos déceptions, payés avec usure. Tu peux lire ma lettre à Solange. Tu sauras comment nous sommes campés ; mais nos promenades, rien ne peut en donner l’idée. C’est à chaque pas une découverte. Aujourd’hui, par exemple, nous avons passé la journée dans un immense palais entièrement abandonné au haut d’une colline. J’ai pensé à toi, mon petit Lambert.

Ah ! qu’on serait heureux d’être riche et d’associer tous ses enfants aux vrais plaisirs que l’on rencontre. Que de souterrains, que de fleurs, que de ruisseaux, de cascades, d’arbres monstrueux, de ruines, de cours abandonnées, de rocailles brisées, de statues sans nez, d’herbes folles, de mosaïques couvertes de gazon et d’asphodèles ! C’est à en rêver ; et des galeries et des escaliers sans fin qui s’en vont du ciel au fond de la terre, un tas de constructions inexplicables, les vestiges d’un luxe insensé ensevelis sous la misère ; et tout cela au sommet d’un panorama de montagnes, de terres, de mers à donner le vertige. C’est trop beau.

Sur ce, bonsoir, mon Lambert ; nous pensons rester ici une quinzaine, et, quand nous serons décidés sur la suite du voyage, nous te donnerons de nos nouvelles. Je t’embrasse de la part des petits camarades et de la mienne. Au revoir au mois de mai.

Pense à nous.

G. SAND.